Mayumi F. - the girl with sunglasses

 
Physique  : Une jeune femme à l'allure singulière : en la regardant, on comprenait qu'elle était étrange, bizarre. Elle respirait l'étrangeté à des kilomètres comme votre vieille voisine du huitième qui aime se pouponner à outrance. Pourtant, elle faisait tout ce qu'elle pouvait pour cacher ce défaut, cette chose qui s'était déclarée en elle à son plus jeune âge.

Ça la rendait encore plus bizarre.

Il y avait là une grosse paire de lunettes dont elle ne se séparait jamais lorsqu'elle était dehors. Lorsqu'on lui posait la question, elle répondait qu'elle souffrait d'une maladie rare qui lui blessait les yeux lorsqu'elle s'exposait au soleil.

Le Monde n'aime pas les gens étranges.

Des gamins avaient jeté des pierres sur la fenêtre de son studio, elle avait retrouvé des mots anonymes dans sa boîte aux lettres. Elle n'avait pas déménagé : ici, elle avait trouvé un logement qui lui plaisait, et de toute façon, elle n'en avait pas les moyens.

Elle s'habillait normalement. Elle achetait régulièrement des habits dans des friperies bon marchés et était notamment familières des longs manteaux sombres, en hiver, qui lui descendaient presque aux pieds. Cela lui donnait un côté un peu agent secret qui ne faisait qu'accentuer le mystère sur sa personne.

Ses doigts étaient usés à force de travailler le bois, une de ses nobles passions, et elle ne prenait pas bien soin de son corps. Sur un de ses bras, il y avait une cicatrice en forme de « Y » pour la fois où elle avait fait un geste malheureux avec un poinçon. Elle avait également été handicapée pendant quelques mois à cause d'une étagère qui lui était tombé sur le pied, mais s'en était remise en silence.

De la silhouette de Mayumi Fukuda, on distinguait cette coupe en carré qu'elle coupait elle-même, pas très bien organisée, et un teint plus blanchâtre que la plupart des japonais. Elle vivait seule, et nul n'aurait su dire à quoi elle pensait.

Ses lunettes de soleil étaient usées, mais noires. Elles étaient noires pour que vous ne puissiez pas voir à travers. Elles étaient noires d'un noir de jais, en opposition à ses yeux.

Elle ne les montrait jamais, ses yeux. Elle l'avait fait pendant les premières années de sa vie et n'avait eu le droit qu'à des remarques idiotes : pire, ils l'avaient mené vers des instituts psychiatriques et elle avait tout fait pour s'enfuir.

Mayumi Fukuda vivait seule. Elle n'avait pas de parents, elle n'avait pas de proches. Elle avait cherché à s'éloigner des êtres qui composaient sa famille car la douleur était trop insupportable.

Ses yeux ne lui faisaient jamais mal : elle avait une vue parfaite. Cependant, ses yeux étaient un peu différents de ceux des communs des mortels.

Ils étaient rouges.

Ils étaient si rouges qu'ils avaient la couleur des fraises. Rouges et atypiques. Nous aurions pu croire qu'elle était victime d'albinisme, mais ce n'était pas du tout le cas : les yeux de Mayumi Fukuda étaient juste rouges et elle ne souffrait d'aucun des travers de ce mal.

Ils étaient juste étranges : à chaque fois qu'elle regardait un autre humain en face, tant qu'elle voyait son visage de manière nette, elle lisait son nom et la date de son décès.

Mayumi était seule.

Elle le resterait.
         
                                     
Caractère  :     « Do you feel good? »

La solitude composait donc son monde. Elle était rompu à une monotonie habituelle, mais cette monotonie la satisfaisait.

Le commun des mortels trouvait Mayumi Fukuda beaucoup trop franche, du moins était-ce l'avis de ses ex-employeurs. La jeune femme ne semblait pas avoir de frontière, elle disait ce qu'elle pensait sans se soucier de la bienséance. Elle s'était faite renvoyer plusieurs fois, elle était également presque sûr qu'une des lettres d'insultes trouvées dans la boîte aux lettres était de la part d'un ex-collège.

Elle l'avait enlevée : à quoi servait une boîte aux lettres, de nos jours ?

La vie de Mayumi Fukuda ne semblait guère compliquée. Le matin, elle se levait de bonne heure et se rendait dans l'agence pour l'emploi la plus proche de chez elle. Elle mettait une bonne demie heure pour s'y rendre à pied, mais marcher ne la dérangeait pas. En fait, elle aimait même sentir le vent sur son visage de bonne heure. Elle aimait courir, sentir son cœur battre comme s'il allait exploser lorsqu'elle avait raté un bus de justesse.

Mayumi Fukuda notait scrupuleusement les annonces présentées sur le grand panneau de bois. Elle évitait celle auxquelles elle avait déjà postulé et remplissait de son écriture minutieuse un petit calepin blanc. C'était une fille sérieuse et même si elle avait pour réputation d'être trop franche envers ses employeurs, elle restait en apparence très calme. C'était comme si elle n'était pas là. Une mince silhouette à la peau blanchâtre et aux lunettes de soleil imposantes.

Au bout d'une vingtaine de minutes environ, elle partirait et, une fois chez elle, commencerait à rédiger ses candidatures. Son timing était précis, organisé. Par la suite, elle savait qu'elle continuerait sa sculpture sur bois et qu'à 19h30 comme chaque soir, elle sortirait à nouveau pour se promener dans le quartier.

Elle vivait seule et, depuis longtemps, avait décidé de faire une croix sur une quelconque relation avec un homme. Elle connaissait deux ou trois personnes à gauche ou à droite avec qui elle avait l'habitude de parler, elle n'était pas asociale non plus, ou presque, mais ces contacts étaient assez rares. Elle n'avait pas non plus d'animaux, de perruche ou de chien à qui raconter sa journée.

Elle se portait tout de même bien, même si elle ne souriait pas toute la journée. Elle ne chantait pas, mais ne pleurait pas, non plus. Et lorsqu'une brusque colère la prenait au souvenir de certaines choses, elle prenait son burin et son morceau de bois.

Elle aimait la sculpture.    
                         
 Biographie : Mayumi Fukuda était née dans une famille tout à fait normale. Elle avait un grand frère et vivait dans un village de campagne jusqu'à présent épargné par la pollution.

Enfant, elle avait souvent l'habitude de monter dans des endroits hauts comme des arbres ou des hautes pierres.

Mayumi était qui ne parlait pas beaucoup. On pouvait souvent l'apercevoir dans un coin de la pièce, ses petites mains agrippant ses vêtements en tremblant. On aurait dit qu'elle essayait de se donner du courage pour articuler quelques mots. Souvent, elle s'enfuyait avant de dire quoique ce soit.

À l'école, Mayumi n'avait pas beaucoup d'amis : c'était en réalité un doux euphémisme pour révéler qu'elle n'en avait aucun. Les enfants du même âge sont cruels envers leurs semblables un peu différents : or il était clair que la petite Mayumi était un peu différente des autres.

Dès son plus jeune âge, sa mère l'avait forcée à mettre des lunettes de soleil qu'elle ne retirait jamais, à moins d'aller dormir. Un jour, lors d'une journée particulièrement agitée à l'école, quelques garçons et filles l'isolèrent dans un coin et les lui enlevèrent de force. Elle hurla, griffa, ferma même les yeux, mais ils virent tout.

« ILS SONT ROUGES ! Mayumi elle a les yeux rougeees ! »

C'était fini : elle était devenue un monstre, une bête de foire. Mayumi avait pleuré toutes les larmes de son corps et avait mis quelques jours avant d'être forcée à retourner à l'école.

Le reste de sa scolarité ne fut pas bien reluisant : elle changea d'école à plusieurs reprises en plus, mais à chaque fois, c'était la même histoire.

Mayumi Fukuda était née avec les yeux rouges : personne n'avait su tout cela venait et la plupart des personnes qui le savait, sa famille, en avait conclu en un défaut de la pigmentation de ses yeux. Elle n'était pourtant pas albinos.

Ce qu'elle n'avait jamais dit à personne, c'était ce qu'elle voyait véritablement. Au début, elle pensait que tout le monde était comme elle : quand sa famille se rendait chez quelqu'un d'inconnu, elle le saluait avec son nom. Elle avait causé quelques malaises, comme cela, et avait vite compris qu'elle était la seule.

Elle arrêta de dire ce qu'elle voyait. Elle ne songea même pas à parler des chiffres qui se baladait au-dessus de la tête des gens pendant au moins une dizaine d'années.

Vers ses seize ans, Mayumi était une jeune fille un peu plus sûre d'elle. Elle restait secrète, mais elle avait gagné en assurance et, à défaut d'amis réels, avait choisi d'aimer les seules personnes qui comptaient vraiment : sa mère, son père, et son grand-père. Elle avait appris à déchiffrer les chiffres qui flottaient au-dessus de la tête des gens mais, fort heureusement, n'avait jamais vu un de ces comptes à rebours se terminer.

« Maman...Grand-père va...il va lui arriver un truc grave ! On doit l'emmener à l'hôpital avant qu'il ne soit trop tard ! »

C'était la toute première fois qu'elle parlait de ce qu'elle voyait et ce n'était qu'une question de temps. Son grand-père était en apparente bonne santé. Par souci de la rassurer, sa mère lui fit faire tous les examens possibles sans que personne ne puisse détecter quoique ce soit.

« Il faut y retourner ! Dans un jour ou deux, je te jure ! Dans un jour ! »

Elle pleurait, elle s'était mise à crier, à hurler. De l'extérieur, c'était effrayant, de l'intérieur, juste une fille qui avait peur de la mort. Elle avait cassé un vase, et s'était ouvert la main avec un morceau de verre.

Elle ne savait plus où elle était, à qui elle parlait. Elle laissa juste filer cette rage qu'elle retenait depuis tant d'années. Elle se sentit attrapée, elle sentit qu'on la piquait dans le cou. Le dernier visage qu'elle vit fut celui de son grand-père : il la regardait avec de la peur dans les yeux.


Dossier 689
Note #1
Nom de la patiente : Mayumi Fukuda
Âge : 16 ans.
Motif du séjour : appel de la famille suite à une crise de la patiente. « A prédit la mort d'un de ses proches », selon sa mère.

Observations : La patiente est tout à fait intéressante. Les premiers jours de sa venue, elle a refusé d'ouvrir les yeux. Tant bien que mal, les aides soignants sont parvenu à découvrir la couleur de ses pupilles : rouges. C'est une donnée assez étrange, surtout considérant que Fukuda ne souffre en aucun cas d'albinisme.
Fukuda reste prostrée dans sa chambre. Elle ne parle pas, ne mange pratiquement pas.



Dossier 689
Note #2
Nom de la patiente : Mayumi Fukuda
Âge : 17 ans.
Motif du séjour : appel de la famille suite à une crise de la patiente. « A prédit la mort d'un de ses proches », selon sa mère. S'obstine à dire qu'elle le savait.

Observations : La patiente est convoquée en appel à la cour. Elle est accusée du crime de Takeshi Fukuda, mort dans un accident de voiture.
Ses parents disent qu'elle le savait et l'enquête a prouvé que les freins de la voiture avaient été abîmés avant l'accident.
La sentence a été prononcée, la petite Fukuda n'a bénéficié d'aucune défense. Étant donné les circonstances particulièrement dramatiques de son arrivée à l'hôpital, elle a été condamnée à 5 ans d'incarcération ici. Elle sortira si seulement elle est jugé apte par les psychiatres de la cour.


Dossier 689
Note #3
Nom de la patiente : Mayumi Fukuda
Âge : 22 ans.
Motif du séjour : condamnation pour meurtre avec préméditation. Folie.

Observations : Mayumi a reconnu sa culpabilité dans l'affaire de meurtre. Elle prend régulièrement ses médicaments et n'a plus les crises que nous pouvions constater au début de sa venue. Elle a fait appel une nouvelle fois et le juge en a conclu qu'elle pouvait sortir sous tutelle et surveillance, avec obligation de pointer dans le commissariat le plus proche de chez elle tous les jours.

Elle avait 22 ans.

Elle avait 22 ans et elle n'avait rien vécu.

Parfois, dans la rue, elle voyait ces groupes de jeunes qui semblaient avoir tout en commun. Rien avec elle, malheureusement. Elle avait l'impression d'avoir les mains sales, elle pleurait tous les soirs, et s'était persuadée qu'elle était la responsable de la mort de son grand-père.

Elle le vivait très mal.

Comment avait-elle réussi à remonter la pente ? Très franchement, Mayumi n'en avait aucune idée. Elle avait récupéré cette baraque abandonnée dans un coin de Tokyô, en avait fait sa maison même si elle n'était pas du tout à elle et s'était mise à la sculpture sur bois. C'était lorsqu'elle caressait le bois qu'elle oubliait l'hôpital, les médicaments et les piqûres. Qu'elle oubliait sa famille, cette famille qui l'avait trahi et qui avait refusé de la croire alors qu'elle ne cherchait qu'à prévenir.

Ils l'avaient cassée.

La vie avait repris, tant bien que mal.

Tous les matins, elle allait tôt au commissariat pour ne pas croiser des personnes qu'elle risquait de connaître. Elle se dirigeait ensuite vers l'agence pour l'emploi la plus proche, notait scrupuleusement toutes les annonces, une par une.

Elle ne gardait jamais bien longtemps un job, de toute façon : elle était trop franche, elle mettait mal à l'aise.

Peu importait, de toute façon, elle allait rentrer et il y avait la sculpture.

La sculpture.
     
 

         
 Et vous ?   : J'ai flashé sur Mayumi, j'avais trop envie de la jouer **