Hey Brother {PV Beyond

Lorsque Billie se gara, elle jeta un oeil sur le tableau de bord et regarda l'heure. Elle avait une demi-heure d'avance. Elle décida de prendre l'air et de marcher. Son regard se tournait partout autour d'elle. Sur le paysage, sur les bateaux, sur les personnes qui, tout comme elle, ont décidés de se promener le long de la baie. L'air marin lui faisait beaucoup de bien. Quand elle était plus jeune, elle venait ici lorsqu'elle avait besoin de réfléchir. Ou quand elle était trop en colère ou trop triste, elle venait courir ici jusqu'à ce que ses jambes ne puissent plus tenir la cadence.

La jeune femme se posa sur un banc qui avait une vue imprenable sur certaines îles qui entourent la baie ainsi que sur le Fuji Yama. Une brise légère agitait ses cheveux. Elle soupira d'aise et respira un grand coup l'air marin.

Ses pensées dérivèrent vers son jumeau. Elle allait bientôt le revoir. Elle avait peur. Elle faisait sa maligne devant son écran mais en face, elle pourrait se dégonfler. Billie savait que c'était stupide d'avoir accepté de le revoir mais elle savait aussi qu'il aurait aussi continué à la harceler. Il était temps qu'ils se retrouvent.

"Ah Billie, tu es tellement stupide ! Tu t'accroches à un frère qui n'existe plus. N'oublie pas ce qu'il est devenu," pensa la rouquine.

Une petite fille passa devant la jeune femme et tomba. Billie se leva aussitôt et aida la petite à se relever. Celle-ci se mit à pleurer.

- Chut ma chérie, ce n'est qu'une petite chute de rien du tout. Tu as mal quelque part ma puce ? Demanda la rouquine à la jeune nippone.

La petite fille hocha négativement de la tête. Billie lui essuya les larmes sur ses joues et la mère de la petite arriva en courant. Elle s'excusa avant de la remercier et continua sa balade avec sa fille. Billie sourit et retourna s'asseoir. Ses pensées dérivèrent de nouveau et la mélancolie l'enveloppa comme un plaid tout doux. Son frère n'allait pas tarder et elle sentait une boule au creux de son ventre. Le stresse montait de plus en plus.

Il avait eu sous les yeux le mail de Billie qui faisait suite à sa petite annonce de la Saint Valentin.

Il avait juré, parjuré, il aurait frappé quelqu'un s'il ne s'était pas calmé avec un antidouleur. Putain, il ne s'était pas attendu à cela de sitôt. En fait, à quoi s'attendait-il en passant une petite annonce dans le Cavalier Noir ? Qu'elle ne la voie pas ? Ou qu'elle la voie, mais beaucoup plus tard ? Sa couverture en tant que Barke allait être complètement gâchée, mais au fond de lui, n'était-ce pas ce qu'il souhaitait, un tout petit peu ? Il se voyait mal engager quelqu'un d'autre pour le remplacer, surtout qu'elle ne serait pas dupe et que les conséquences sur lui pourraient être terrible.

Il avait pensé lui poser un lapin une fois, deux fois...mais c'était la même chose, ça mettrait sans doute encore plus à mal leur relation.

Backup avait du mal à le reconnaître, mais il était en total stress. Lui qui avait subi l'entraînement de la Wammy's House, lui qui avait organisé une série de meurtres qui pouvaient concurrencer Kira et fait l'enquête avec l'agent du FBI. Lui, cette homme-là, il stressait de rencontrer sa sœur.

Ses habits avaient été choisis le plus simplement possible. Il s'agissait d'en prendre les plus simples possibles qui pouvait le faire passer partout. Il était évidemment obligatoire d'avoir un sweat à capuche d'une couleur assez sombre, étant donné qu'il était recherché de tous : même si Billie le voyait – et il espérait que ce ne serait pas pour le refoutre en taule – il devait rester discret.

Le port était l'endroit idéal pour se rencontrer : il était passager, certes, car l'un des endroits les plus actifs du monde, mais il était suffisamment large pour permettre de la discrétion. En fait, avec le vent qui soufflait suffisamment et les divers bruits alentours, ils pourraient être sûrs de ne pas être entendus, si l'on excluait l'idée que les vêtements de Billie pourraient avoir un micro sur eux...ou que lui-même ait le droit à une surveillance personnalisée du côté du nouveau L. B plongea les mains dans ses poches. Merde, il était en stress. Il s'inventait déjà des excuses pour ne pas venir alors qu'il l'avait promis.

Il devait faire un pas devant l'autre. Il devait avancer.

Déjà, à quelques mètres, la silhouette de Billie était là. Il la reconnaissait, seule sur le quai parmi les autres personnes. Il le savait car il l'avait si souvent observée au télescope alors qu'elle était avec Matt ou Mello. Il le savait car il l'avait déjà rencontrée en tant que Barke, incognito et qu'il savait que lorsqu'elle allait le comprendre, elle allait se mettre à crier.

Il comprenait.

B se rapprocha d'elle suffisamment d'elle pour qu'elle comprit qui il était et la regarda dans les yeux.

« Et maintenant ? », dit-il. « Tu pensais que j'aurais attendu ce moment pour te rencontrer ? »

Surprise. Choc. Déception. Trahison. Tristesse. Colère.

Ce fut toutes les émotions que ressenties Billie lorsque son frère arriva et lorsqu'il parla. Sur le coup, elle s'était levée d'un bond. Son frère ne lui était pas inconnu. Il s'était passé pour un détective du nom de Barke auprès d'elle. Il lui avait menti, délibérément. Mais le pire dans tout ça, c'était qu'elle n'avait pas reconnu son frère. C'est son jumeau tout de même ! Vu tout ce qui se disait sur les jumeaux, la jeune femme aurait pensé ressentir quelque chose si jamais elle rencontrait son frère sans le savoir, mais non, rien ! Elle devrait lui hurler dessus, le gifler, lui tourner le dos, peut-être. Mais elle n'en fit rien. Elle baissa juste les yeux.

- Tu m'as menti, tu n'avais pas le droit de me mentir.

Elle se rassit et enfouit son visage entre ses mains. Billie ne savait pas comment se comporter face à Beyond. D'un côté, elle avait envie de le prendre dans ses bras, de lui dire à quel point il lui avait manqué durant toutes ces années. Mais de l'autre, elle avait envie de fuir, de s'éloigner le plus possible de lui. De créer un mur émotionnel pour l'empêcher de l'atteindre. Son frère contre le criminel. L'amour d'une soeur contre les principes d'une policière. Elle ne s'était pas du tout préparé à cela. Dans un soupir, elle posa les yeux vers Beyond et le détailla. En le regardant bien, elle retrouva peu à peu les traits du Beyond de six ans.

- Je dois avouer que je suis aussi une horrible soeur car je ne t'ai pas du tout reconnu. Je suis désolée mon frère.

Elle n'avait pas envie de se battre alors elle essayait de ne pas ce montrer sarcastique avec lui. De plus, elle savait que son frère était trop fier pour s'excuser pour tout le mal qu'il avait causé, alors autant qu'elle fasse le premier pas, même si c'est pour quelque chose d'insignifiant.

- Au fait, je ne sais pas si tu as remarqué mais... J'ai décidé de virer mes gardes du corps. Ne prends pas ça pour de la confiance ou autres. C'est juste que je n'ai pas envie d'avoir leur sang sur les mains.

Backup inspira brutalement : en ce moment, il se faisait violence. Il savait qu'il n'aurait jamais dû répondre à la provocation de sa sœur, qu'il n'aurait jamais dû se rendre sur le port comme cela. C'était indigne de lui, indigne de sa réputation de génie. Le port était techniquement le pire endroit où ils pouvaient se réunir, à mi chemin entre la rencontre mafieuse et le lieu stratégiquement surveillé par les poulets. Il y avait des trous partout, que ce soit en direction de la mer ou de tous leurs côtés. Même si Billie n'y avait été pour rien, il aurait très bien pu être sur le point d'être pris en embuscade, et B n'était pas très bien pour se sortir de ce genre de situation. Son point fort, c'était son cerveau, son intelligence. Il savait se battre, mais était meilleur pour anticiper les choses et, par ce biais, éviter les ennuis.

Mais ça, c'était avant. C'était avant qu'il ne se mette en tête qu'il voie Billie à tout prix. Parce qu'elle méritait de savoir qui il était, combien même il savait que c'était dangereux, pour elle ou pour lui.

Beyond, en réalité, n'avait que faire de sa propre sécurité. Il la traitait avec légèreté, se promenant dans Tokyô comme une princesse dans son royaume. On aurait dit qu'il n'était pas recherché, ou que sa tête n'était pas mise à prix. B se comportait totalement normalement et sur son visage, il n'y avait pas les stigmates du fou que tout le monde s'imaginait qu'il soit. Non, la réalité était bien plus compliqué que cela : si B ne s'était pas rapproché de Billie si tôt, c'était que plus que le rejet, plus que les cris et les larmes, il craignait qu'elle se souvienne. Et le souvenir, pour Billie, ce serait sans doute pire que tout. Pour qu'elle ne se souvienne pas, Beyond aurait été capable d'endosser les pires meurtres, de proférer les pires insanités.

Billie disait qu'elle le détestait d'avoir menti, puis revenait sur sa parole. B n'osa pas esquisser un sourire, mais il n'en pensait pas moins : c'était bien sa sœur, ça. Il était heureux que les gardes du corps ne soit pas présents, et de toute manière, en tant que Barke, ils l'auraient bien laissé passé, non ? Leur protection était quasiment inutile.

« C'est généreux pour tes gardes du corps. Mais honnêtement, vu qui je suis et qui tu pensais que j'étais, tu leur aurais dit de partir, je pense... », dit-il, reflétant ses pensées. « Je ne tue plus. Tu peux penser ce que tu veux, mais je n'ai pas tué depuis cette époque-là. Je sais que tu as du mal à y croire, mais ne me vois pas comme une menace. »

Il aurait eu envie d'entourer son corps de ses bras et de l'étreindre comme il le faisait avant lorsqu'il était seul, malheureux ou juste désirant de l'affection, mais il sentait que trop de temps avait pensé. Ils avaient beaucoup trop grandi, chacun de leur côté, et le temps leur avait fait du mal. Pour qu'ils redeviennent aussi complices qu'ils l'avaient été dans le passé, il allait falloir un miracle : non, une intervention divine. B ne savait comment se comporter, il dansait d'un pied sur l'autre.

« Puisqu'on en est aux excuses, excuse-moi pour m'être fait passer pour Barke. Je voulais seulement t'approcher, tu t'en doutes, et puis l'affaire Kira m'intéresse réellement. Tout cela pour te dire : je ne sais pas si on va s'entendre, ou s'apprivoiser de nouveau, mais je suis venu. Je ne voulais pas que tu restes avec cette fausse idée de moi. »

Elle voudrait peut-être qu'il s'excuse par rapport aux meurtres, mais s'il y avait un sujet sur lequel il ne reviendrait jamais, ce serait bien cela. Jamais, jamais B ne regretterait sa série de meurtres, à part avoir raté la toute fin, même si Billie n'aurait alors plus eu de frère.

La jeune femme continuait de fixer son frère tout en l'écoutant attentivement. Elle ne l'interrompit à aucun moment. Elle lui devait bien ça. Après tout, il n'en avait pas après elle. Elle était en "sécurité" avec lui. Ses paroles le prouvaient. Il s'inquiétait pour elle. Il s'inquiétait de la vision qu'elle avait de lui. Il était vrai qu'elle s'était faite une fausse idée de lui. Elle l'imaginait comme la personne la plus affreuse qui soit au monde. Un monstre qui adorait tortuer des personnes pour son bon plaisir. Un psychopathe, a l'affut d'une prochaine victime. Mais en le regardant, elle ne voyait rien de cela. Elle n'allait pas jusqu'à dire qu'elle revoyait le Bee de 6 ans, mais juste un peu. Elle voyait un peu d'humanité et c'était déjà pas mal.

- Je t'ai toujours idéalisé. Tu étais mon monde, toi et seulement toi. Il n'y avait que toi qui ne me jugeais pas, qui m'aimait réellement et qui me le montrait de temps à autre. Tu étais là pour me consoler ou pour me protéger. Alors quand j'ai découvert les horreurs que tu avais commises, mon monde s'est effondré d'un seul coup. Je pense que c'est pour cela que je mets tous les criminels dans le même sac et que je me suis montrée aussi virulente avec toi.

Billie pensa alors à elle, cette femme.

Khan lui avait dit qu'il ne fallait pas qu'elle mette tous les criminels dans le même sac. Elle avait vraiment réagi comme une imbécile. Bon, les choses s'étaient relativement bien passées entre elles mais maintenant, elle culpabilisait. Elle avait commis un impair et elle ne s'était pas excusée comme il fallait auprès de la jeune femme.

- Il y a une autre raison si je me montre si virulente avec tous les criminels confondus. À un moment dans mon adolescence, j'ai perdu pied. Littéralement. Je n'étais plus moi-même. J'aurais pu très mal tourner mais j'ai finalement réussi à sortir la tête de l'eau.

La rouquine frissonna. Elle n'aimait pas beaucoup parler de ça. À cette époque, elle était caractérielle et elle explosait pour un rien. Alors que maintenant elle préfère parler, raisonner avant de faire quoi que ce soit, avant elle réglait tout à coup de poing. Elle se fichait pas mal d'être amochée, du moment qu'elle pouvait se défouler sur quelqu'un. Sans oublier qu'à cette époque elle dormait dans la rue et qu'elle était obligée de voler pour pouvoir se nourrir un au minimum.

- Enfin, j'aurais pu perdre pied bien avant. Ma famille adoptive m'avait obligé à voir un psychologue quelques mois après mon adoption. Je comptais ne rien dire, mais il était si gentil avec moi que je m'étais dit qu'il pourrait m'aider à aller mieux, à mieux comprendre pourquoi nos parents étaient ce qu'ils étaient. Mais quand j'ai commencé à lui expliquer ce que notre père nous faisait subir, j'ai vu dans son regard qu'il ne me prenait pas au sérieux. À la fin de la séance, il a demandé à parler à mes parents seuls à seuls. Mais j'ai tout de même écouté à la porte. Le psychologue suggérait à mes parents de me prescrire des médicaments et que si jamais cela n'arrangeait rien, il allait falloir me placer dans un centre spécialisé. Billie sentit sa voix se briser. Il me prenait pour une folle que je délirais et que j'avais inventé toutes ces histoires parce que la perte de mes parents m'avait plongé dans un profond déni et que ma séparation avec toi avait empiré les choses. Quel con ! Si j'en avais dit davantage et si je lui avais parlé de tes yeux rouges, il n'aurait pas demandé la permission à mes parents et je serai dans un hôpital psychiatrique gavé de médicaments pour le restant de mes jours.

En finissant sa confidence, la jeune femme n'avait pas pu s'empêcher de craquer. C'était pathétique. De plus, elle ne comprenait pas pourquoi elle lui disait ça. Elle voulait peut-être qu'il comprenne pourquoi elle avait été virulente concernant ses crimes et qu'il ne s'en formalise plus. Le pire dans tout ça c'était que personne, personne n'avait été au courant de tout ça. Déjà qu'on l'appréciait pas trop à l'école à cause de sa différence alors si en plus on la prenait pour une frapadingue, ça aurait mille fois pire.